Médecine populaire du Béarn

Publié le 16 Octobre 2022


Les anciens alchimistes d'Europe croyaient qu'il y a quatre éléments Feu, Air, Eau et terre qui structurent le Monde, et de leurs unions apparait 3 niveaux que sont le Soufre (Feu et Air); le Mercure (Air et Eau) et le Sel (Eau et Terre).


Dans la médecine ayurvédique on retrouve a peu prêt cette représentation du Monde avec les 5 éléments qui interagissent entre eux donnant trois doshas: Pitta, Vata et Kapha.


Dans les Andes et au Mexique, les quatre éléments ont également trois intensités qui font que les plantes par exemples sont classées en neutres, chaudes ou froides.


Les quatre éléments sont eux-mêmes les réceptacles de deux forces représentées par la Lune et le Soleil.


Dans la médecine taoïste cela correspond au Yin et au Yang.


Dans la médecine populaire des Pyrénées, les plantes sont de deux sortes, mâles ou masculines selon qu'elles sont domestiquées ou sauvages c'est-à-dire cultivées ou spontanées.
Les plantes sauvages sont considérées comme très actives.


Et dans le Béarn, il y a trois tempéraments comme dans l'Ayurveda et comme la philosophie alchimiste.


Dans un article de Jeanne Soust intitulé, Le sang et les plantes en Béarn, un document que j'ai pu consulter grâce à la numérisation de Renaud Ward, le chef du service scientifique et technique du Conservatoire Botanique National de Bailleul (www.cbnbl.org   )  et dont je suis très reconnaissant ; il y est mentionné que la qualité du sang détermine le tempérament de l'individu.


Soust nous explique qu'il y a ainsi trois tempéraments :

 - le sang rouge (lou sang arroui) qui est celui de l'homme sain, couleur clair, quantité suffisante, celle de l'homme vif, vigoureux, apte au travail et apte à l'essor de la communauté.

 - Le sang pauvre (Lou sang praube) est pâle, et celui qui possède ce sang est indulant, mou, manquant d'ardeur au travail, un frein à la dynamique du groupe, un sang pausat.

 - Lou sang espés (épais, rouge foncé), abondant et lourd parce que trop riche (Tot qu'es profièt) dont tout lui profite. Ce sang appartient au sanguin (sanguinos) , coléreux, irritable ( prim de crèsta), fort (hort) mais sujet aux apoplexies (cops de sang ou coup de sang).


Dans l'esprit béarnais le sang féminin  est plus faible, moins abondant du fait des menstrues qui en régularisent le volume par perte de l'excès.
Si c'est l'inverse (lou sang trop hort) alors cela crée une stérilité dans le couple.


De même chez les animaux, la femelle qui reste vide, inféconde (mana) doit être saignée.


Dans le Béarn, l'homme sain à un sang "arroui" résultat d'une harmonie entre deux fonctions: digestive et excrétrice, qui nourrit le sang appauvri après son voyage dans le corps alors que l'autre le nettoie, entraîne les déchets qu'il charrie.
Appareil digestif et urinaire doivent donc être suivis d'attentions.


Les saisons influencent cette harmonie du sang.
Au printemps, la prima tout reboreish (au printemps tout rebout), tout se renouvelle.
La terre sous l'effet de la chaleur et de l'humidité, fermente ce qui est bon (ranime) ou mauvais (brûle) et permet de réveiller la sève, de faire germer les graines,.
De même le sang alourdi par la nourriture carnée de l'hiver subit une poussée caractérisée par des affections cutanées.
Il s'agit d'une épuration du sang témoignant de sa force.


On combat le réchauffement printanier du sang par des plantes rafraîchissantes, les salades comme le pissenlit, les soupes (refroidissent le sang).
On nettoie le sang comme on enlève le fumier des étables.


Pour purifier le sang les plantes dépuratives sont toujours des plantes amères.


L'absinthe (eschen) est pour cela la plante du sang masculin; son goût répugne les femmes qui lui préfèrent la petite centaurée.
La cure est de 7 jours pour les hommes et de trois pour les femmes.


Je tiens à préciser que curieusement ces deux nombres correspondent à l'âme céleste ou masculine (hun)  et à l'âme féminine, corporelle (po) des taoïstes.
les 7 passions de la femme s'opposant aux 3 vertus masculines.
Vertus qui en excès sont néfastes comme les passions.


On retrouve cette opposition numérique dans les Andes: les femmes ont sept âmes et les hommes seulement trois.
De même dans le christianisme il y a la trinité et les sept péchés capitaux.
Dans le bouddhisme, il y a trois poisons et sept bouddhas ou sept puretés.


La tenture de l'apocalypse reprend cette étrange symbolique des nombres.


Le cycle du sang fait qu'il faut l'activer (fouetter) et le relancer en l'écartant du siège du mal vers les pieds par exemple quand le sang monte à la tête, se porte au cerveau.


Le sang féminin est bon car il régule le sang mais aussi impur, raison pour laquelle il entraîne certaines contraintes, une femme peut faire tourner le lait pendant sa "période".
Au temps des salaisons, elles provoqueraient l'altération de la chair.


Chez l'homme l'urine permet d'évacuer l'excès de sang, et c'est pourquoi les boissons diurétiques font partie de la bonne santé masculine.


Le sang reçoit les influences émotionnelles;  par exemple s'inquiéter c'est convertir le sang en vinaigre.
L'acidité, dans de nombreuses médecines populaires est associée à la terre et à la peur, au stress.


Les signes d'anormalités du sang permettent d'établir un diagnostic.
Les joues rouges,les yeux injectés sont les signes d'un excès de sang, du sang alourdi qui nécessite alors d'être appauvri. l'inverse  se détecte par des couleurs pâles du visage...


La couleur est souvent un signe dans la médecine populaire des Pyrénées, l'armoise aux tiges rouges est le remède des femmes, le jaune est comme l'or et le soleil de l'été au plus haut dans le ciel et donc c'est que les plantes sont au maximum de leurs vertus, de leurs forces.
La couleur verte signe une abondance de vigueur qui se porte alors sur le sang.

 


La médecine populaire des Antilles (tout comme celle du Béarn) a également des rapports avec celle de l'ayurveda comme le prouve le texte : De quelques métissages autour de la santé; Thérapies et religion à l'Île de La Réunion, de Laurence Pourchez.


"Nous retrouvons, dans les deux théories médicales, l'européenne et l'indienne, de nombreuses équivalences, les indices qui vont nous permettre de poser, à partir des matériaux recueillis, l’hypothèse d'une interprétation réunionnaise de la théorie des humeurs"
"Décrites et analysées par J. Benoist (1993), les pratiques thérapeutiques en usage à La Réunion sont issues de ces différentes traditions médicales et se caractérisent par un rapport aux humeurs  (le sang, la bile, le vent), générant des relations d'oppositions, base inséparable d'un rapport au sacré."
...
"Trois humeurs sont fréquemment citées : le sang, la bile, le vent. Le sang est lié aux couples d'oppositions déjà présentés, il apparaît comme l'humeur principale. Il peut être soit chaud, épais et impur, soit froid, liquide et pur. La présence d'un sang trop chaud ou épais est vécue comme un déséquilibre susceptible d'entraîner une maladie. Les pratiques visant à « nettoyer le sang » sont extrêmement
fréquentes et sont conduites autant sur les femmes enceintes que sur les jeunes enfants. La bile est plus rarement citée. Elle siège dans l'estomac 6 et est, dans le cas de la représentation liée au tanbav, un symbole d'impureté. Elle est associée à la chaleur, à un déséquilibre et fréquemment à l'impureté, comme dans le cas de la jaunisse  qui en est la conséquence. La couleur de l'enfant, qui devient jaune, est alors attribuée à la bile qui, trop chaude, a pris cette teinte.
Le vent (l'air) peut également être considéré comme une humeur. Il est dangereux de perdre l'air, d'avoir du mal à respirer, comme en témoignent les traitements du rhume, de l'oppressement et du catarrhe. D'autre part, le vent est associé aux déperditions de chaleur et au froid. Comme dans le schéma étiologique présenté par F. Zimmermann (1989 : 15), les os, le vent et le froid se retrouvent : après son accouchement, la femme ne doit pas sortir, le vent ne doit pas rentrer sous sa robe, faute de quoi elle se refroidirait et attraperait des rhumatismes.


La médecine des semblables, théorisée à la Renaissance par Paracelse et issue d'un vieux fond de médecine populaire (Loux, 1979), postule qu'un mal peut être soigné par son équivalent, qu'il s'agisse d'un élément végétal ou organique. À La Réunion, les exemples relevant de ce type de médecine sont nombreux et viennent se greffer sur les catégories  d'oppositions déjà définies. Ainsi, le vin chaud remplace le sang perdu pendant l'accouchement ; les herbes à vers, qui se présentent sous la forme de petites feuilles qui partent d'une tige mère et ressemblent à des asticots, soignent les vers ; une dent de requin ou un croc de chien placés autour du cou de l'enfant lui donneront de belles dents ; de même que la plante nommée crocs de chiens soulagera les douleurs liées à la dentition... Cette parenté présente entre une partie du corps humain, une maladie, et le composant qui va le soigner affirme déjà un lien entre l'homme et la nature, avec son environnement. "


D'après le texte: METHODOLOGIE D'ENQUETE SUR LES PLANTES MEDICINALES DANS LE CADRE DE L'ETHNOSCIENCE: EXEMPLES INDONESIENS; on découvre à nouveau une conception commune des humeurs avec celle des Pyrénées:


"Cependamt la notion de maladie "froide" ou "chaude" n'est pas directement associes avec les sensations de chaud et de froid. Elle est liée à la façon dont est interprétée l'intéraction entre les trois éléments qui dans la conception balinaise régissent le fonctionnement du corps: le feu, l'eau et le vent.
Pour être en bonne sante, il faut, disent les Balinais, que ces trois élements agissent ensemble de façon harmonieuse:  "pemargin api, yeh, angin mangde pateh'' régler le feu, l'eau et le vent afin qu'ils soient ensemble."

 

Quelques extraits du livre de Jeanne Soust: herbes, drogues et potingas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Rédigé par gardia-bacqué raphaël

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